Modèle cognitif du développement de traits de personnalité inadaptés
D'où viennent
ces voix intérieures qui gâchent la vie ? Pourquoi toujours les mêmes
souffrances ? Pourquoi fait-on les mêmes erreurs ? À l'origine, il y a sans
doute dans l'enfance, un besoin inassouvi : être aimé, protégé valorisé. Se met alors en
place un schéma de vie, qui, à l'âge adulte, pèse sur nos conduites et nos
émotions. Un livre très concret, pour partir à la découverte de nous-même et
changer de vie. Modèle cognitif du développement de traits de personnalité
inadaptés Voici
les modèles cognitifs du développement des traits de personnalité de A.T. Beck
et J.E. Young qui sont très influents autant dans les milieux de la recherche
que de la pratique clinique. STRATÉGIES
SUR-UTILISÉES Pour
Beck, les troubles de la personnalité résultent d'une sur-utilisation de
stratégies ou de comportements adaptatifs et utiles pour la survie de l'espèce
tels que: la compétition, la dépendance, l'évitement, la résistance, la
méfiance, la dramatisation, le contrôle, l'agression, l'isolement et la
grandiosité. Alors
que la personne qui n'a pas de trouble de la personnalité utilise certaines de
ces stratégies dans des circonstances spécifiques, la personne présentant un
trouble de la personnalité les sur-utilise de façon rigide et compulsive même
lorsqu'elles sont clairement désavantageuses. Par
exemple, il est adapté d'être méfiant et sur ses gardes dans un coin très
criminalisé d'une ville. Par contre, la personne paranoïaque peut réagir de
façon méfiante envers des gens même si les faits objectifs et sa propre
expérience lui indiquent qu'ils sont probablement dignes de confiance. Cette
rigidité dans les comportements ou les stratégies est sous-tendue par une
rigidité dans les façons de comprendre et de percevoir les situations. LES
SCHÉMAS (CROYANCES) Le
concept de "schéma", surtout introduit par Beck, est central aux
modèles cognitifs. Les schémas sont les croyances (connaissances) de base qui
constituent la compréhension qu'a un individu de lui-même, du monde et des
autres. Ces croyances s'élaborent à partir des expériences vécues au cours de
la vie. Les expériences de l'enfance sont particulièrement marquantes pour
l'élaboration des schémas. La
personne "en santé" a des croyances de base adaptées et relatives (je
suis une personne raisonnablement compétente; le monde présente des dangers
mais est relativement sécure; les gens peuvent être bienveillants, neutres ou
malveillants envers moi, etc.). La personne qui présente un trouble de la
personnalité, au contraire, détient des croyances extrêmes, négatives, globales
et rigides (je suis incompétent, mon univers est hors de mon contrôle, les gens
sont indignes de confiance, etc.). A
un moment particulier, selon le contexte et les événements, un schéma peut être
activé ou il peut être "dormant" ou à quelque part entre les deux.
Une fois activé, un schéma (ou un ensemble de schémas) constitue la base à
partir de laquelle un individu interprète et réagit à la réalité qu'il vit.
Chez une personne présentant un trouble de la personnalité, certains schémas
sont activés, à tort, dans un très large éventail de situation. Une personne
présentant un trouble de la personnalité évitante, par exemple, peut avoir un
schéma de danger et de menace activé même lorsqu'elle se trouve avec des gens
supportants, ce qui influence alors l'interprétation des agissements de ces
gens (ils ne me trouvent pas intéressant). Cette interprétation détermine ses
réactions émotives (anxiété) et ses comportements (retrait). Une personne
narcissique peut se conduire de façon compétitive alors qu'elle travaille dans
un contexte égalitaire. La personne histrionique peut se conduire de façon
théâtrale dans une entrevue pour un emploi. Chaque
trouble de la personnalité repose sur un ensemble spécifique de croyances et de
comportements qui les accompagnent. Par exemple, la personne dépendante croit
qu'elle est incompétente et incapable de se débrouiller seule. Alors, elle a
tendance à surdévelopper des stratégies pour compter sur les autres et éviter
les décisions et les défis importants. Elle ne développe pas suffisamment
l'autonomie et la capacité de prendre des décisions. La personne évitante croit
qu'elle n'est pas digne d'amour ou de considération et qu'elle est vulnérable.
Elle a tendance à éviter l'intimité, les critiques et les émotions désagréables.
Elle manque d'ouverture, d'affirmation et de tolérance émotionnelle. La
personne obsessionnelle-compulsive croit que son monde peut se désorganiser et
met donc beaucoup d'emphase sur les règles, la responsabilité et le contrôle.
Elle manque de spontanéité, d'insouciance et de flexibilité. La personne
borderline partage plusieurs croyances rigides et négatives avec d'autres
troubles de personnalité (je suis inadéquat, je suis fautif, je suis
vulnérable, je suis impuissant, je vais être abandonné), ce qui conduit à des
comportements extrêmes. LES
SCHÉMAS INADAPTÉS DE YOUNG Young
identifie 18 schémas inadaptés, qu'il appelle des schémas précoces
d'inadaptation, qui sont sous-jacents à un ou plusieurs troubles de la
personnalité. Remarquez que quelqu'un peut toutefois posséder un ou quelques
uns de ces schémas à différents degrés (plus ou moins rigides et activés
facilement) sans rencontrer tous les critères pour qu'un trouble de la
personnalité puisse être diagnostiqué. Ces schémas se développent tôt dans
l'enfance selon l'expérience vécue et continuent à s'élaborer tout au long de
la vie en servant de base pour l'interprétation de la réalité. Ils sont pris
pour acquis et considérés comme irréfutables par la personne. Nous décrivons
plus loin (voir Rigidité des schémas) les mécanismes qui contribuent au
maintien des schémas de telle sorte que certaines problématiques qui ont leur
origine dans l'enfance peuvent se maintenir longtemps dans la vie adulte. Voici
une brève description des 18 schémas de Young tels que présentés par Cottraux
et Blackburn. Schémas
précoces de séparation et de rejet La
certitude que ses besoins de sécurité, de stabilité, d'affection, d'empathie,
de compréhension, d'approbation et de respect ne seront pas satisfaits. Cette
certitude a une origine familiale typique : il s'agit de familles où règnent un
climat de séparation, avec explosion, changement, rejet, punitions. Les parents
sont stricts, froids ou bien maltraitent l'enfant. Abandon/instabilité Le
manque de stabilité ou de fiabilité, perçu, de ceux qui offrent soutien et sens
de l'appartenance à un groupe. Il s'accompagne du sentiment que les personnes
"importantes" ne continueront pas à donner appui, force ou protection
parce qu'elles sont émotionnellement instables et changeantes (explosions de
colère), peu fiables, ou ne sont pas toujours présentes; parce qu'elles
mourront bientôt ou parce qu'elles abandonneront le patient pour quelqu'un de
"mieux " que lui. Méfiance/abus Le
patient s'attend à ce que les autres le fassent souffrir, le maltraitent,
l'humilient, mentent, trichent et profitent de lui. En général la souffrance
infligée est perçue comme intentionnelle ou résultant de négligence extrême et
injustifiable. Ceci peut aussi inclure le sentiment d'être constamment
défavorisé par rapport aux autres ou de toujours " tirer la courte paille
". Manque
affectif Le
patient a la certitude que les autres ne donneront pas le soutient affectif
dont il a besoin. On peut distinguer trois catégories principales : -
Manque d'apports affectifs : absence d'attention, d'affection, de chaleur, ou
d'une présence amicale. -
Manque d'empathie : absence de quelqu'un de compréhensif qui vous écoute et de
quelqu'un à qui parler de soi-même. -
Manque de protection : absence de quelqu'un de fort qui guide et conseille. Imperfection/honte Le
patient se juge imparfait, " mauvais ", inférieur ou incapable; le
révéler entraînerait la perte de l'affection des autres. Ceci peut inclure :
l'hypersensibilité aux critiques, à l'abandon et au blâme. Il peut exister une
gêne, avec des comparaisons avec les autres et un manque de confiance en soi.
Le patient peut ressentir la honte des imperfections perçues, celles-ci peuvent
être internes (par exemple : égoïsme, colère, désirs sexuels inacceptables) ou
externes (par exemple : défaut physique, gêne sociale). Isolement/aliénation Le
sentiment d'être isolé, coupé du reste du monde, différent des autres et/ou de
ne faire partie d'aucun groupe ou communauté. Schémas
précoces de manque d'autonomie et performance Les
exigences vis-à-vis de soi-même et du monde externe ne correspondent pas à la
capacité (perçue) de survivre, d'agir indépendamment et d'arriver à une
réussite suffisante. Ceci peut être lié à une origine familiale typique :
famille " étouffante " où l'enfant est surprotégé, la confiance en
soi est sapée et les relations en dehors de la famille ne sont pas encouragées
: il en résulte un déficit d'apprentissage des compétences sociales. Dépendance/incompétence Croire
à sa propre incapacité de faire face seul aux responsabilités journalières (par
exemple, prendre soin de soi-même, résoudre les problèmes de tous les jours,
faire preuve de bon sens, aborder de nouvelles tâches, prendre des décisions).
Dit souvent, " je suis incapable de... " Peur
des événements inévitables/incontrôlables Peur
exagérée d'une catastrophe que l'on ne pourra pas éviter. Ces craintes se
portent sur une ou plusieurs possibilités: -
Santé : crise cardiaque, sida -
Émotions : par exemple perde la raison -
Catastrophe naturelle ou phobie : ascenseurs, crime, avions, tremblement de
terre. Surprotection/personnalité
atrophiée Attachement
émotionnel excessif à une ou plusieurs personnes, souvent les parents, au
détriment d'une adaptation sociale normale. Très souvent, croyance qu'au moins
l'un des individus ne peut pas survivre à l'autre, ou être heureux sans lui.
Peut avoir le sentiment d'être étouffé par les autres, ou doute de lui-même, de
sa propre identité. Sentiment d'être vide, sans but; ou, dans des cas extrêmes,
questionne sa propre existence. Échec Croyance
que l'on a échoué, que l'on échouera, que l'on est incapable de réussir aussi
bien que les autres (études, carrière, sports, etc.). Souvent, le patient se
juge stupide, inepte, sans talent, ignorant, inférieur aux autres, etc. Schémas
précoces de manque de limites Il
peut s'agir de manque de limites internes, de manque de responsabilité envers
les autres, ou de l'incapacité à soutenir des buts à long terme. Ceci peut
mener à des problèmes concernant les droits des autres, ou concernant ses
propres objectifs. L'origine familiale typique est à rechercher du côté de
parents faibles, trop indulgents, qui ne peuvent faire appliquer la discipline.
L'enfant n'est pas encouragé à prendre des responsabilités, à tolérer un
certain manque de confort, ou n'est pas suffisamment surveillé et guidé. Droits
personnels/dominance Ceci
correspond au besoin de faire, ou d'obtenir, exactement ce que l'on veut sans
considérer ce qu'il en coûte aux autres; ou à une tendance excessive à affirmer
sa force, son point de vue et à contrôler les autres à son propre avantage sans
considérer leur désir d'autonomie. Le sujet est caractérisé par des exigences
excessives et un manque général d'empathie. Manque
de contrôle de soi/discipline personnelle Le
problème central est l'incapacité ou le refus de contrôle de soi. Le patient ne
peut supporter d'être frustré dans ses désirs et est incapable de modérer
l'expression de ses émotions et impulsions. Sous une forme atténuée: le patient
essaie à tout prix d'éviter ce qui est pénible tels que les conflits, les
confrontations, les responsabilités et l'effort, au détriment d'un sens de la
satisfaction personnelle ou de son intégrité. Schémas
précoces de dépendance aux autres Ils
correspondent globalement à une importance excessive attachée aux besoins,
désirs, réactions des autres, aux dépens de ses propres besoins afin d'obtenir
leur affection ou leur approbation, par peur d'être abandonné ou pour éviter
les représailles. Fréquemment, il existe une colère refoulée dont le patient
n'est pas conscient. Il n'a pas un accès conscient, manque à ses propres
sentiments et tendances. L'origine familiale de ce schéma doit être recherchée
du côté d'une affection qui relève du conditionnel : pour se sentir aimé de ses
parents, pour obtenir leur approbation, l'enfant réprime ses tendances
naturelles. Les besoins des parents (affectifs, sociaux, leur style de vie)
passent avant les besoins et réactions de l'enfant. Assujettissement Le
comportement, l'expression des émotions, les décisions, sont totalement soumis
aux autres parce ce qu'on se sent forcé d'agir ainsi, en général pour éviter
colère, représailles ou abandon. Selon le patient, ses propres désirs, opinions
et sentiments ne comptent pas pour les autres. En général, il montre une
docilité excessive mais réagit vivement s'il se sent pris au piège. Il existe
presque toujours, une colère refoulée contre ceux à qui il se soumet,
provoquant des troubles de personnalité (par exemple : comportement passif/agressif,
explosion de colère, symptômes psychosomatiques, troubles affectifs, drogues). Abnégation Un
souci exagéré de toujours considérer les autres avant soi-même; cette
considération est volontaire. Les raisons sont en général : peur de faire de la
peine aux autres; pour éviter de se sentir coupable d'égoïsme; ou pour
maintenir un contact perçu comme nécessaire aux autres. Mène souvent à une
hypersensibilité aux souffrances des autres. Le patient peut éprouver le
sentiment que ses propres besoins ne sont jamais satisfaits, d'où un
ressentiment envers les autres. Besoin
d'approbation Le
problème central est un besoin excessif de l'attention, de l'estime et de
l'approbation des autres; ou faire ce que les autres demandent, que cela
corresponde ou non à ce que l'on veut de soi-même. L'estime de soi est formée à
partir des réactions des autres et non à partir d'opinions et de valeurs
personnelles. Parfois, une importance exagérée est accordée au style de vie,
aux apparences, à l'argent, à la concurrence ou à la réussite - être le
meilleur, le plus populaire - afin d'obtenir estime ou approbation.
Fréquemment, les choix importants de la vie sont faits sans rapport avec le
sujet; ou sont des choix qui n'apporteront pas de satisfaction;
hypersensibilité au rejet; ou envie de ceux qui ont mieux réussi. Schémas
précoces de survigilance et inhibition Le
problème principal est le contrôle exagéré des réactions, des sentiments et des
choix pour éviter les erreurs ou pour maintenir des règles personnelles rigides
dans sa conduite et dans sa performance, souvent aux dépens d'autres aspects de
la vie: plaisirs, loisirs, amis; ou au détriment de sa santé. Origine familiale
typique : sans joie; travail, devoir, perfectionnisme, obéissance, éviter les
erreurs, sont des considérations beaucoup plus importantes que bonheur, joie,
détente. Souvent, pessimisme et anxiété sont apparents : tout pourrait se
désagréger si l'on ne se montre pas toujours vigilant. Peur
d'événements évitables/négativité Est
au premier plan la crainte exagérée que, dans des contextes divers (travail,
situation pécuniaire, relations interpersonnelles), tout va tourner au pire; ou
bien on retrouve une prise en considération fréquente et persistante de tous
les aspects négatifs de la vie : souffrance, mort, conflit, culpabilité,
ressentiment, problèmes non-résolus, erreurs possibles, etc., qui s'accompagne
d'une minimisation ou d'un déni des aspects positifs et optimistes. Souvent, il
existe une peur exagérée de commettre des erreurs et la crainte de leurs
conséquences : ruine, humiliation, situation intolérable. Ces patients sont
fréquemment anxieux, pessimistes, mécontents, et souvent indécis. Surcontrôle Le
contrôle excessif des réactions spontanées (actions, sentiments, paroles) est
là généralement pour éviter les erreurs, la désapprobation d'autrui, les
catastrophes, le chaos ou par peur de ne pouvoir maîtriser ses impulsions. On
peut distinguer : -
La répression de la colère et de l'agressivité. -
Le besoin compulsif d'ordre et de précision. -
La répression d'impulsions positives (joie, affection, excitation sexuelle,
jeux). -
L'adhérence excessive à la routine et au rituel. -
La difficulté à reconnaître ses propres faiblesses, ou à exprimer facilement
ses propres sentiments ou besoins. Souvent ces attitudes sont appliquées aux
proches. Idéaux
exigeants La
conviction que l'on doit s'efforcer d'atteindre et de maintenir un niveau de
perfection dans son comportement ou sa performance représente un idéal destiné
à éviter les critiques. Ces exigences amènent à une tension constante;
s'arrêter dans ses efforts ou se détendre devient impossible. Une critique
constante de soi-même et des autres est effectuée. Par conséquent le patient
souffre des déficits de plaisirs, détente, santé, estime de soi, satisfaction
personnelle et relations interpersonnelles. On peut distinguer : -
Le perfectionnisme, importance excessive attachée aux détails et
sous-estimation de sa propre performance. -
Des règles rigides; l'importance du devoir. Ces règles s'appliquent à de
nombreux aspects de la vie : morale, culture, religion. -
Préoccupation constante de temps et d'efficacité : toujours faire plus et
mieux. Punition La
tendance à se montrer intolérant, très critique, impatient et à " punir
" les autres, et soi-même, s'ils n'atteignent pas le niveau de perfection
que l'on exige. Ceci entraîne : la difficulté à pardonner les erreurs ou les
imperfections - en soi ou chez les autres - l'incapacité de considérer les
circonstances atténuantes; et un manque d'empathie, de flexibilité, ou
l'incapacité d'admettre un autre point de vue. LA
RIGIDITÉ DES SCHÉMAS La
personne "en santé" ajuste ses schémas (ses croyances) à mesure
qu'elle expérimente de nouvelles situations, ce qui lui permet de développer
des comportements variés, adaptés aux différentes situations. Les schémas
inadaptés présents dans les troubles de la personnalité ont cependant tendance
à se maintenir. Young décrit trois types de processus ou de stratégies qui
contribuent à ce maintien. Selon qu'une personne met davantage en oeuvre l'un
ou l'autre de ces types de processus, elle vit différemment un schéma: elle
capitule, fuit ou contre-attaque. La plupart des gens ont recours à un mélange
de ces stratégies. Le
maintien des schémas (capitulation): La
personne pense, ressent et réagit selon son schéma. Elle juge incorrectement
les gens et les circonstances de façon qui renforce les croyances reliées à son
schéma. Elle crée des situations et choisit des relations qui entretiennent son
schéma. Diverses distorsions cognitives maintiennent les jugements erronés. Par
exemple, l'attention sélective consiste à ne voir que les faits qui confirment
le schéma. Ainsi la personne histrionique peut ne pas remarquer qu'elle est
souvent plus appréciée lorsqu'elle est plus discrète. Nous présentons dans le
Dossier Dépression (section Processus cognitifs) les différents types de
distorsions cognitives par lesquelles l'interprétation de la réalité peut être
biaisée de façon à se conformer aux schémas. Il est fréquent de recréer et de
rechercher les contextes familiers dans lesquels nous avons grandi. Par
exemple, la personne qui a le schéma d'imperfection trouve naturel de tolérer
des gens qui la critiquent, ce qui maintient son schéma. Elle se comporte de
telle sorte qu'on continue à la critiquer et à la déprécier. De même,
l'apparente froideur de la personne qui a un schéma d'exclusion influe sur
l'accueil que lui font les gens. La personne qui a un schéma d'abandon
(croyance qu'elle est toujours susceptible d'être abandonnée) trouve souvent
naturel d'investir dans la relation avec un partenaire qui craint de s'engager. L'évitement
des schémas (fuite): La
personne évite de penser à des questions reliées au schéma et évite les
situations qui peuvent activer le schéma et faire vivre des sentiments négatifs
de tristesse, de honte, d'anxiété ou de colère. Elle est souvent inconsciente
de l'existence de son schéma. Elle le nie. La personne avec un sentiment
d'imperfection peut fuir l'intimité. La personne avec un schéma d'exclusion peut
fuir les rassemblements, les réunions de travail, les congrès, les partys. La
personne ayant le schéma d'échec peut fuir le travail, les études et les
nouveaux projets. La personne avec un schéma de dépendance peut fuir les
situations où elle doit faire preuve d'autonomie. Ces évitements empêchent de
tester ses schémas et de les modifier graduellement. La
compensation (contre-attaque): La
personne pense et réagit de façon opposée à son schéma. Cependant ses
comportements sont souvent trop extrêmes et contribuent à maintenir son schéma.
Par exemple, la personne avec un schéma de carence affective peut tellement
réclamer d'attention qu'elle éloigne les autres et se retrouve encore plus
privée d'affection. Une personne peut développer un sentiment de supériorité
qui est à l'opposé du sentiment d'imperfection vécu dans l'enfance. Elle peut
consacrer beaucoup d'énergie à son prestige et à sa situation sociale et
choisir ses relations de façon à se sentir supérieur. Cette contre-attaque
empêche toutefois, entre autres, l'intimité. LA
CONSCIENTISATION DES SCHÉMAS La
personne pour qui un ou des schémas représentent un problème n'en a souvent pas
conscience. Soit parce que les croyances associées à ces schémas lui semblent
tellement naturelles et évidentes qu'elles ne sont pas remarquées, soit parce
qu'elle évite ou contre-attaque (voir La rigidité des schémas). Toutefois, ces
schémas déterminent l'interprétation des situations que la personne vit,
c'est-à-dire ce qu'elle se dit au sujet de ces situations. Ces interprétations
sont des pensées observables donc plus facilement accessibles à la conscience.
Elles sont communément appelées "pensées automatiques". Par exemples:
qu'est-ce que les gens vont dire?; il faut que tout soit fait à temps; comment
osent-ils me traiter ainsi?; il se désintéresse de moi; je ne suis pas capable
de rester seule, etc.. Les pensées automatiques manquent souvent d'objectivité.
Elles sont logiques par rapport aux croyances sous-jacentes mais elles sont
souvent inexactes dans la situation vécue. Dans le Dossier Dépression, section
Processus cognitifs, nous décrivons les distorsions cognitives par lesquelles
la réalité peut être déformée. Ces
interprétations de la réalité déterminent les émotions et les comportements.
Par exemple, la personne obsessionnelle-compulsive peut être anxieuse dans une
situation où elle craint de ne pas performer assez bien. Ce qui peut l'amener à
prendre trop de temps et d'énergie, à dépasser ses limites et à négliger
d'autres besoins pour que tout soit parfait dans les moindres détails, etc.. La
personne narcissique peut devenir agressive si elle n'obtient pas un traitement
de faveur. C'est l'observation des pensées automatiques, des réactions émotives
et des comportements qui peuvent mettre la puce à l'oreille concernant les
croyances qui les sous-tendent. TROUBLES
DE LA PERSONNALITÉ ET SANTÉ MENTALE Lorsqu'activés,
les schémas inadaptés provoquent des émotions intenses qui mènent fréquemment,
directement ou indirectement, à divers problèmes psychologiques souvent
associés aux troubles de la personnalité, tels la dépression, l'anxiété, la
panique, la solitude, les relations destructrices, l'abus d'alcool, de drogues,
de nourriture et des désordres psychosomatiques. Le plus souvent c'est au sujet
de l'un de ces problèmes que la personne souffrant d'un trouble de la
personnalité consulte un psychologue ou un médecin. Qu'est-ce qu'un trouble de la personnalité? On
estime que de 5 à 15% de la population adulte présente un trouble de la
personnalité. Alors que chacun a un ou quelques traits de personnalité qu'il
serait avantageux de modifier, dans le trouble de personnalité certains traits
sont vraiment rigides et envahissants. Ils amènent de la souffrance ou nuisent
véritablement à l'adaptation et au fonctionnement dans diverses situations. Il
s'agit "d'un mode durable des conduites et de l'expérience vécue qui dévie
notablement de ce qui est attendu dans la culture de l'individu, qui est
envahissant et rigide, qui est déjà présent à l'adolescence ou au début de
l'âge adulte, qui est stable dans le temps et qui est source d'une souffrance
ou d'une altération du fonctionnement." Les
troubles de la personnalité sont définis par des caractéristiques communément
appelées traits de personnalité qui sont des "modalités durables d'entrer
en relation avec, de percevoir et de penser son environnement et soi-même, qui
se manifestent dans un large éventail de situations sociales et
professionnelles" . Par exemples, la méfiance, le perfectionnisme, le
détachement par rapport aux relations sociales, les croyances bizarres,
l'impulsivité, etc. sont des traits de personnalité. Les
traits de personnalité ne sont considérés comme des critères pour diagnostiquer
des troubles que lorsqu'ils sont rigides et inadaptés, c'est-à-dire qu'ils
envahissent des situations personnelles et sociales diverses et qu'ils
entraînent une souffrance ou qu'ils nuisent au fonctionnement social,
professionnel ou dans d'autres domaines importants.
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